- Citation :
- Règle quatrième :
« t po3t toi ? »
Le risque principale qui guette le SMS, c’est l’uniformisation dans
l’appauvrissement du lexique.. Or, comme de bien entendu, les
utilisateurs de cette langue sont tous d’incurables rebelles de la
société, faisant fi de toutes lois et de toutes modes.
S’opère donc une appropriation de la langue par glissement phonétique qui va sans faute différencier la feca du iop.
Prenons l’exemple de l’indispensable « bonjour ».
Sa forme neutre est « bjr », mais on verra plutôt apparaître, selon l’humeur de chacun, quantité de dérivés :
‘jour, slt, coucou, koukou, kikoo, kiou, voire l’inénarrable plop.
L’exemple pris était simple. C’est sous cet angle cependant qu’il faut comprendre certaines occurrences curieuses comme :
« bon bah gigot »
qui ne s’explique que par une fine connaissance du SMS, de la phonétique, et des langues étrangères en général.
De même on glissera avec affection de percep à perco, puis pouné
(l’orthographe régulière poney comportant pour une fois autant de
lettres que la version SMS mais bon…) et pour les plus facétieux bidet
et dada (la comptine A dada sur mon bidet constitue à ce titre un
remarquable pléonasme).
Il s’observe un effort continuel pour réhumecter le SMS d’un peu de
poésie, comme si chacun se débattait dans un espace trop exigu, avalant
à grandes lampées le minimum vital d’oxygène. L’individualisation
rappelons-le, ou du moins la démarcation des autres, est un trait
distinctif d’une tranche d’âge s’étalant de l’enfance à la maturité, et
souvent un signe de bonne santé mentale et physique.
Cette forme de poésie s’enracinera dans toutes les libertés que chacun
peut prendre avec le SMS, tout en restant dans les limites du
compréhensible. Si besoin était une fois de plus de démontrer que la
poésie, c’est la liberté.
Exercice final :
Traduisez en en respectant l’esprit et la poèsie, ces vers de Stefan Malstuffé
Peti R (guerrié)
Se me va ormi litère
K je 100te du foyé
1 pantalon militer
a ma janb rou joi yé
l’1vazion je la guett
Avek le vierge kuru
Tt juste 2 la baguett
O gan blan ds tourlourou
Nu ou d’ekors tenass
Pa pr battr le teuton
Ms kom 1 otre menass
A la fin ke me ve ton
2 tranché ra 7 orti
Folle 2 la sinpati.
On pourrait croire les usagers du SMS avides du plus court chemin vers
la communication, fin limiers des raccourcis et chercheurs en atomes
sémantiques. C’est beaucoup présager de leur amour de la contrariété.
Dans un premier mouvement certes ils élaguent le mot de ses branches
mortes, mais c’est pour aussitôt rajouter des lettres totalement
surgies de nulle part.
Prenons le célèbrissime « ok », que tout le monde aura reconnu comme
venant de oll korrect, version de all correct labourée par les jeunes
du moyen-âge, qui en matière de SMS en connaissaient déjà un rayon .
OK, donc, est déjà trop long pour certains. Un bon coup de scalpel donne « k ».
Sade ultime de la béatitude SMesque ? Rah, voyez la malignité de
l’homme, on voit pourtant fleurir partout « oki, ouki », d’absurdes «
kk », pour ceux qui n’ont rien compris « oké », voir même « oukiiiii »
(à qui il faut reconnaître le mérite de traduire en peu de lettres la
phrase suivante : « ah bah maintenant que j’y réfléchis, ça me dit
vaguement quelque chose ce que tu me racontes. »)
Règle cinquième : Haut maille gaude, louque hâte de chouque
Il nous faut étudier l’attrait indéniable qu’exerce la langue de
Shakespeare et de Bill (son jardinier) sur nos jeunes générations.
Une mine d’or il faut l’avouer. L’anglais est d’une rare efficacité
orthographique, ou, selon l’humeur, d’une remarquable pauvreté
ornementale. Peu d’homonyme, quasiment aucune désinence muette, une
conjugaison qu’un bwork pourrait saisir, et une moyenne de lettres par
mots avoisinant les 4, rien que du bonheur en somme.
Et puis surtout, c’est staillile à employer. On nous rétorque que les
anglais ont tout inventé en matière de lexique appliqué aux jeu vidéo.
Ce à quoi je rétorque en invitant chacun à mettre la main sur un
dictionnaire étymologique anglais, juste histoire de mesurer quelle
proportion faramineuse de ce lexique fut jadis emprunté au français.
Il est indispensable d’en connaître les rudiments pour bien savourer le
SMS, au risque de confondre un sujet hautement polémique ayant trait à
la subsistance alimentaire des milliards de petits humains à venir,
avec un ustensile tout à fait réjouissant mais que la décence
m’interdit de nommer ici. Je veux parler bien sûr de l’expression « OMG
».
Si les rudiments ne sont qu’embryonnaires, vous resterez à rêver dudit
instrument, au lieu de goûter pleinement tout le sel théologique que
ces trois lettres contiennent.
L’usage de l’anglais vise à plusieurs objectifs divers et parfois contradictoires.
La rapidité bien sûr :
You ? u
One shoot ? OS, au lieu du lamentable un coup ? UC qui pour peu que l’on mette deux coups peut prêter à confusion (DC)
Good game ? gg, puisqu’à l’évidence en français bj ne veut pas dire bien joué mais bonjour…
Un autre usage de l’emprunt aux rosbeefs est de combler l’absence de
concept hautement complexe exprimable au moyen d’un seul mot.
Allez traduire toute la signification du mot « farmer »…
En français c’est un fermier, rien de plus (peut-être peut-on l’imaginer crotté aux bottes, et encore…)
En anglais, c’est un petit chinois, un philippin ou bulgare qui est
payé une misère pour s’abîmer les yeux des heures durant sur un écran
d’ordinateur à cliquer sans relâche dans une version moderne du travail
à la chaîne sur un épi de blé ou un filon de manganèse.
Riche langue que l’anglais tout de même…
Un autre exemple, « owned », laisserait perplexe un banquier de la City
lui-même, puis qu’en bon anglais il ne signifie rien en lui-même,
autrement que suivi de to + verbe ou sujet. Dans le cadre qui nous
intéresse, il traduit avantageusement la phrase : « Bon, d’accord,
j’admet que tu as été plus rapide que moi cette fois-ci, mais tu ne
l’emporteras pas au paradis et de toute façon j’en rajoute une couche
pour engranger des points afin de booster mon titre JOL ».
« Wé bon é alor ? »
En conclusion nous voici, mes vieux camarades et moi-même, mieux armés
qu’auparavant pour jouir du babil des jeunes. Quelques semaines de
pratique régulière ont suffi à maîtriser les bases. Votre humble
serviteur, après ses étirements du matin, s’entraîne encore à traduire
quelques phrases extirpées d’un forum pour ne pas perdre la main.
J’ai bien pris garde de ne porter aucun jugement. Parce qu’il n’y
aurait pas plus de justifications à rejeter en bloc les utilisateurs du
SMS qu’à traiter les footballeurs de mauvais rugbymen.
Etudier la langue était une chose, déblatérer sans autorité sur le
relâchement, la paresse d’esprit, le manque d’imagination,
l’immaturité, la sottise et la vulgarité qui souvent l’accompagne en
est une autre..
J'espère que vous aurez autant de plaisir que moi à l'avoir lu, c'est long mais ça en vaut vraiment la peine !
Parmine ![cat](https://2img.net/i/fa/i/smiles/icon_cat.png)